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Au total, dix délégués désignés par les deux camps vont se pencher sur les points de divergence relevés par la Cenco (Conférence épiscopale nationale du Congo) dans le cadre de sa mission de bons offices. A tort ou à raison, des analystes suspectent « Joseph Kabila » et ses « faucons » de recourir à ce subterfuge pour gagner du temps. Le MLC et ses alliés, réunis au sein du Front pour le respect de la Constitution, encouragent la Cenco à poursuivre ses efforts en faveurs de l’apaisement.
« Joseph Kabila » a reçu, lundi 5 décembre, une délégation de la Cenco conduite par son président, Mgr Marcel Utembi Tapa, archevêque de Kisangani. Cette entrevue a été l’occasion pour les évêques catholiques de présenter les conclusions de la « mission de bons offices » qui leur a été confiée par l’actuel locataire du Palais de la Nation en vue de concilier les prétentions de la majorité présidentielle et celles du Rassemblement.
Selon Mgr Utembi, « Joseph Kabila » « a fortement » encouragé la Cenco à poursuivre cette mission « pour l’intérêt supérieur de la nation ». Tiens! Tiens! Voilà des mots auxquels "l’autorité morale" de la « majorité » n’avait pas habitué les Congolais. Que cache cette "vocation civique" tardive ? Une entourloupette?
On apprenait dans la soirée de lundi que les pourparlers annoncés auront une durée de cinq jours. Il n’était pas rare d’entendre des réflexions du genre : «La majorité présidentielle espère tirer les discussions en longueur afin de détourner l’attention de la population sur la date du 19 décembre qui marque la fin du second et dernier mandat de Joseph Kabila ».
Points de divergence
Une chose parait sûre : les parties prenantes au dialogue « facilité » par l’ancien Premier ministre togolais Edem Kodjo en général et les bonzes de la MP en particulier n’apprécient que modérément l’idée de «retoucher» l’accord politique signé le 18 octobre. Pour eux, ce document est et reste l’unique « feuille de route » devant régir la période comprise entre le 20 décembre 2016 et la date de la tenue de l’élection présidentielle, les législatives et les provinciales.
Dans un communiqué daté du 2 décembre, le président de la Cenco a fait état de « beaucoup points de divergence » que les évêques ont pu relever après examen des positions des deux camps. C’est le cas notamment de : compréhension du concept « respect de la Constitution » ; processus électoral (séquences, calendrier, financement des élections, indépendance de la Ceni et du Csac) ; fonctionnement des institutions pendant la période de la Transition ; mesures de décrispation politique ; mécanisme de suivi de l’accord politique ; forme du compromis politique à trouver.
Pour la Cenco, ces points sont d’une complexité qui requiert des discussions directes entre les parties. De préférence, dans un « format réduit ».
Ce communiqué de la Cenco a été accueilli comme un aveu d’« échec » au sein du clan kabiliste. La mission confiée aux prélats catholiques est mal vue. Elle est considérée comme étant le facteur qui retarde la formation du gouvernement du Premier ministre Samy Badibanga. «Nous prenons acte de l’échec de la mission de la Cenco du fait des contradictions flagrantes au sein des forces politiques et sociales non signataires de l’accord politique et certaines de leurs exigences attentatoires à l’esprit et à la lettre de la constitution de la République». Qui parle ici ? Il s’agit de Geneviève Inagosi, rapporteur-adjoint de la délégation de la MP.
Science sans conscience
Devrait-on conclure que « Joseph Kabila » a pris le contre-pied de ses partisans ? En apparence. Rien qu’en apparence. « Joseph Kabila n’a pas le choix, commente notre chroniqueur Jean-Claude Ndjakanyi. La démarche de la Cenco offre au Président en exercice une sortie honorable. Il a le choix entre accepter cette proposition ou partir de manière forcée.» «N’en déplaise à la majorité présidentielle, ajoute-t-il, ce sont les forces politiques et sociales regroupées au sein du Rassemblement qui incarnent les aspirations de la majorité de la population congolaise. Une population qui demande le départ de l’actuel Président».
Juriste de formation, Ndjakanyi de fustiger, au passage, la lettre que le ministre de l’Intérieur a adressée aux gouverneurs de province. Evariste Boshab demandent à ceux-ci de traquer les associations n’ayant pas la personnalité juridique. Les mouvements Filimbi et Lutte pour le changement (Lucha) sont nommément épinglés. « Cette démarche est tout simplement inimaginable de la part d’un professeur de droit constitutionnel. On se trouve face à la science sans conscience. Evariste Boshab peut-il ignorer que la loi admet des associations de fait ? Quel est l’exemple qu’il peut donner aux étudiants qu’il enseigne?»
A moins de deux semaines de la date fatidique du 19 décembre 2016, certaines chancelleries occidentales déconseillent énergiquement à leurs concitoyens de se rendre au Congo-Kinshasa. Après l’ambassade des Etats-Unis, c’est le tour des représentations diplomatiques belge et canadienne. A ceux de leurs ressortissants qui habitent dans le pays, « il leur est recommandé de faire preuve de la plus grande prudence lors de leurs déplacements (…)». Dieu seul sait combien ce genre de communiqué a un effet déstabilisateur sur la vie socio-économique du pays ciblé.
Dans un communiqué publié lundi 5 décembre, le MLC (Mouvement de libération du Congo) et ses alliés, regroupé au sein du "Front pour le respect de la Constitution", renvoie, en termes à peine voilés, dos à dos, la majorité présidentielle et le Rassemblement. Signé par le secrétaire général adjoint du MLC Fidèle Babala Wandu, le texte précise que le Front est disposé « à accompagner la Cenco dans ses efforts pastoraux en faveur de l’apaisement ». « Le Front fustige l’attitude de la majorité présidentielle et de certains acteurs politiques qui considèrent comme un échec les efforts menés par les évêques parce que mus plus par le souci de partager des postes que par la recherche d’une véritable solution à la crise. (…).» Bonne chance à la Cenco!
B.A.W
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