Alternance : Compromis politique : la CENCO trop enthousiaste?

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Alternance :  Compromis politique : la CENCO trop enthousiaste?

Quarante-deux jours après la signature de l’accord politique issu du «dialogue» entre la majorité et une frange de l’opposition - sous la facilitation de l’ancien Premier ministre togolais Edem Kodjo -,

la décrispation politique tant espérée est loin d’être au rendez-vous. Voilà pourquoi, l’opinion a les yeux rivés sur les évêques catholiques regroupés au sein de la Cenco (Conférence épiscopale nationale du Congo). A la demande de «Joseph Kabila», ceux-ci mènent une médiation - de la dernière chance ? - entre les «dialogueurs» de l’ex-Cité de l’OUA et le Rassemblement. Objectif : sceller l’inclusivité autour dudit accord. A l’issue d’une rencontre, mardi 29 novembre, avec le Premier ministre Samy Badibanga, la délégation conduite par Mgr Marcel Utembi Tapa s’est dit «optimiste» à parvenir à un «compromis politique». Les prélats catholiques pourront-ils réussir là où le «laïc» Edem Kodjo n’a obtenu qu’un résultat partiel ? 

«Le Premier ministre nommé est un acteur majeur dans les analyses et dont la contribution compte pour atteindre l’objectif de la Cenco et du peuple congolais de voir tout le monde ensemble autour d’un idéal pour le bien-être du peuple congolais». Qui parle? C’est l’abbé Donatien Nshole, secrétaire général et porte-parole de la Cenco. C’était à l’issue de la rencontre avec le nouveau "Premier".

A en croire Nshole, Samy Badibanga a encouragé les évêques «à aller de l’avant» dans leur mission de médiation. «Le chef du gouvernement tient à ce que les Congolais se retrouvent autour des questions fondamentales du pays», a-t-il souligné.

Les prélats catholiques disposent de peu de temps pour convaincre. Pour cause, en cette journée de jeudi 1er décembre, le compte à rebours est enclenché. Le 19 décembre prochain marquera, en effet, la fin constitutionnelle du second et dernier mandat de « Joseph Kabila ». N’en déplaise aux kabilistes, l’arrêt controversé de la Cour constitutionnelle du 11 mai 2016 autorisant le Président en exercice de rester en fonction au-delà de cette date n’est d’aucun secours du fait de son inconstitutionnalité. L’accord politique du 18 octobre, mêmement. 

Quel est le problème? Il s’agit de concevoir, par voie consensuelle, des mécanismes en vue de gouverner et d’administrer le pays durant la période comprise entre le 19 décembre 2016 et la date de la tenue de l’élection présidentielle et les législatives.

Face aux kabilistes, il y a les forces politiques et sociales acquises au changement qui accusent le Président sortant d’avoir bloqué sciemment le processus électoral. Il n’est donc pas question de laisser ce dernier "trôner" à la tête du pays. Ce qui équivaudrait à laisser un délinquant jouir du produit de son crime.

"L’équilibre de la terreur" est tel qu’aucun camp politique n’est en mesure de résoudre tout seul ce qui ressemble bien à une équation à multiples inconnus. Arrogant, le pouvoir kabiliste semble prendre conscience que la force ne suffit pas pour forger la légitimité d’un pouvoir. 

Lors de son discours prononcé, mardi 15 novembre, devant les deux chambres du parlement réunies en Congrès, « Joseph Kabila » a effleuré le sujet en exhortant ceux qui avaient boycotté le dialogue facilité par Edem Kodjo à adhérer à l’accord du 18 octobre « en le signant ». Etrangement, il a usé de l’imparfait en parlant de la mission confiée aux évêques catholiques. Voulait-il sous-entendre que la démarche des évêques étaient caduques? 

Le secrétaire général de l’UDPS a animé, lundi 28 novembre, un point de presse. Jean Marc Kabund-A-Kabund a souligné l’adhésion de cette formation politique « à la démarche de la Cenco afin de parvenir à un dialogue inclusif et constructif ». Il a cité à l’appui, la résolution 2277 du Conseil de sécurité des Nations Unies et le respect de la Constitution.

Dans une interview accordée à La Voix de l’Amérique, mercredi 30 novembre, Moïse Katumbi a eu ces mots : « (…). Pour sauver le pays, la Cenco consulte en ce moment le Rassemblement, les forces vives et la majorité présidentielle pour trouver un compromis ». L’ancien gouverneur du Katanga de prévenir : « S’il n’y a pas de consensus, nous allons faire respecter la constitution. Le 19 décembre, Joseph Kabila ne sera plus président de la République.» 

On le voit, la mission confiée à la Cenco suscite un réel espoir de restaurer la paix des coeurs et des esprits.

"Joseph Kabila" n’est pas seul. L’homme est entouré de quelques flagorneurs qui n’hésitent pas à se comporter en "pyromanes". Pour ceux-ci, l’accord politique signé le 18 octobre est et reste l’unique «feuille de route» valable. Notons que l’article 17 de ce document autorise "Joseph Kabila" à rester en fonction jusqu’au mois d’avril 2018. Une violation flagrante de la Constitution. 

Pour les "faucons" de la majorité, les opposants regroupés au sein du Rassemblement préparent une "insurrection". C’est en tout cas ce que soutient le ministre sortant des Affaires étrangères, Raymond Tshibanda.

En marge du sommet du XVIè Sommet de la Francophonie qui s’est tenu à Antananarivo, à Madagascar, Tshibanda a accordé, lundi 28 novembre, une interview à « Jeune Afrique ». Il dit avoir fait remarquer lors des débats sur le Congo-Kinshasa qu’il y a «un processus en cours, qui est passé par la tenue d’un dialogue politique inclusif facilité par l’Union africaine, auquel ont participé la majorité présidentielle, l’opposition et la société civile ». Et d’ajouter que ce forum a généré « une feuille de route, qui est la seule voie responsable pour l’organisation d’élections crédibles et apaisées ». Le chef de la diplomatie congolaise de poursuivre : « Maintenant, vous connaissez comme moi le plan de ceux qui sont contre l’accord. Ils disent : « Attendons le 19 décembre, on chasse le président Kabila, on installe un nouveau Président… ». « Que n’a-t-on pas fait pour que ces gens puissent participer au dialogue?», s’est-il interrogé.

La Cenco se dit optimiste à parvenir à un compromis politique. Question : Et si les évêques catholiques péchaient par un excès d’enthousiasme ?

Baudouin Amba Wetshi
© Congoindépendant 2003-2016 





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