Démocratie et autocratie : «Kabila» veut "travailler" avec Trump
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Nouveau Président élu des Etats-Unis d’Amérique, le Républicain Donald J. Trump a reçu, mercredi 9 novembre, une avalanche de messages de félicitations en provenance des dirigeants de la terre entière.
Plusieurs autocrates africains se sont pliés à cette obligation protocolaire pour envoyer quelques «messages subliminaux». C’est le cas notamment de «Joseph Kabila» qui croit, à tort, qu’il est affranchi des pressions américaines avec la fin de l’Administration Obama.
Analyse
Dans un « communiqué officiel » revêtu de la signature du directeur de cabinet présidentiel Néhémie Mwilanya Wilondja, on peut lire que « Joseph Kabila » présente ses « sincères félicitations » non seulement au nouveau Président élu Donald Trump « pour sa brillante élection » mais aussi « au peuple américain qui, souverainement, a décidé de lui confier son destin ».
Comble de paradoxe, le Président sortant congolais dont le second et dernier mandat expire le 19 décembre prochain dit saisir « cette occasion historique pour exprimer solennellement sa disponibilité à œuvrer » avec le Président élu au « raffermissement » des relations entre les deux pays. Le message paraît clair. « Joseph Kabila » semble convaincu que le départ de Barack Obama de la tête des Etats-Unis devrait mettre fin aux pressions américaines afin qu’il respecte la Constitution et quitte le pouvoir le 20 décembre 2016.
Les « mauvaises langues » assurent que « Joseph Kabila » et quelques caciques de la majorité présidentielle (MP) auraient fait des « jeûnes » et des « prières » afin d’obtenir la défaite du candidat démocrate Hillary R. Clinton. Plus sérieusement, les Etats-Unis considèrent que le maintien de "Joseph Kabila" au pouvoir pourrait mettre en péril tout l’édifice institutionnel mis en place difficilement. L’alternance démocratique demeure ainsi un impératif.
La fin d’une histoire
Entre « Joseph Kabila » et les Etats-Unis l’histoire commence en janvier 2001. Après la mort non-élucidé à ce jour du président Laurent-Désiré Kabila, « Joseph » est investi le 26 janvier de cette année soit six jours après l’entrée en fonction du Président élu Georges W. Bush. Celui-ci sera d’ailleurs le premier dirigeant à adresser des félicitations à son homologue congolais. Ce geste a été décrypté tant au Congo qu’à l’étranger comme un «adoubement».
En prenant ses fonctions, le successeur de Mzee a « hérité » d’un pays quasiment sous-tutelle des Nations Unies. Des troupes onusiennes y sont déployées depuis 1999. Mission : s’interposer entre les belligérants. Premier bailleur de fonds aux Nations Unies, les Etats-Unis sont le premier contributeur de la Mission onusienne au Congo. "Celui qui paie est le patron", dit l’adage.
Grâce à la complaisance du monde occidental, «Joseph Kabila» est «élu» en 2006 face à Jean-Pierre Bemba Gombo. Il sera « réélu » en novembre 2011. Cette fois le challenger n’est autre que l’opposant historique Etienne Tshisekedi wa Mulumba. Des observateurs tant nationaux qu’internationaux ont dénoncé des fraudes massives. « Les irrégularités constatées ne changent pas l’ordre d’arrivée », déclarait sans broncher Didier Reynders, le chef de la diplomatie belge. Juriste de formation, l’homme pouvait-il ignorer le principe selon lequel «la fraude corrompt tout »? Nombreux sont les Congolais qui n’ont jamais pardonné ce fait à l’ancien leader des libéraux francophones belges.
John Kerry à Kinshasa
A partir du mois de juin 2013, « Joseph Kabila » ne faisait plus mystère de son ambition de briguer un troisième mandat. Et ce en dépit de l’interdit constitutionnel. L’ouvrage publié par Evariste Boshab, alors secrétaire général du parti présidentiel, a servi de test grandeur nature pour jauger la capacité d’indignation de la population congolaise. « Toute Constitution est révisable », c’est en gros la thèse défendue par Boshab dans sa publication intitulée : «Entre la révision de la Constitution et l’inanition de la nation ».
Au cours du même mois de juin, le sénateur Russ Feingold est désigné Envoyé spécial des Etats-Unis pour la Région des Grands lacs. Celui-ci va exercer des pressions «peu diplomatiques» sur le chef de l’Etat congolais en «encourageant» la Commission électorale nationale indépendante (CENI) à élaborer un « calendrier électoral global » des élections jusqu’en 2016. Ce qui sera fait le 12 février 2015. «Si la CENI ne peut pas organiser toutes les élections, qu’elle fasse connaître au moins la date de l’élection présidentielle dans les délais constitutionnels», répétera à maintes reprises Feingold. Au grand dam de « Joseph Kabila » et de ses « chiens d’attaque ».
Le 4 mai 2014, le secrétaire d’Etat américain John F. Kerry décide de se rendre à Kinshasa. Mission : exhorter le locataire du Palais de la nation à respecter la Constitution et à quitter le pouvoir à la fin de son second et dernier mandat le 19 décembre 2016. Le numéro un Congo fait mine de recevoir le message cinq sur cinq pour ne faire qu’à sa tête.
Lors du sommet Afrique/USA qui a eu lieu en août 2014 à Washington, le secrétaire d’Etat Kerry n’a pas hésité de prévenir les dirigeants africains que les Etats-Unis entendent les «presser» à ne pas modifier les constitutions nationales pour des "fins personnelles ou politiques" .
En janvier 2015, les députés de la majorité présidentielle tentent, sous la présidence d’Aubin Minaku, de « tripatouiller » la loi électorale. Des foules en colère manifestent aux environs du Palais du peuple, le siège du Parlement. La répression sera terrible aux cours des journées des 19, 20 et 21 janvier.
En février 2015, Feingold jette l’éponge. Il est remplacé par Tom Perriello. Avant de quitter le pays, il prévient les dirigeants congolais sur la nécessité d’organiser les élections avant fin 2016. Convaincu que "Joseph Kabila" pourrait invoquer le "manque d’argent" pour retarder la tenue des élections, il lance : « Il ne faut pas que cet argument soit utilisé pour faire en sorte que les élections ne se tiennent pas dans un temps opportun ».
Isolément diplomatique
A l’occasion de la célébration du 56ème anniversaire de la proclamation de l’indépendance du Congo, Barack Obama envoie un message de vœux à son homologue congolais. «Nous sommes aux côtés du peuple de la RD Congo et nous soutenons le premier passage pacifique et démocratique imminent du pouvoir », écrivait-il. Pour l’Administration Obama, "Joseph Kabila" doit passer la main le 19 décembre prochain.
Pour museler les forces politiques et sociales de l’opposition, le pouvoir devient intolérant. Les espaces de liberté sont verrouillés. C’est le des réunions publiques des opposants qui sont interdites. C’est ainsi que les dirigeants américains ont ciblé les fonctionnaires congolais qui menacent les droits et libertés.
En juillet 2016, l’Administration Obama, via son département du Trésor, prend des sanctions à l’encontre du "général" Célestin Kanyama. En septembre deux « gros poissons » on allongé cette "liste noire". Il s’agit des « généraux » Gabriel Amisi Kumba et John Numbi Banza Tambo. Il leur est reproché de menacer non seulement la paix et la sécurité mais surtout le processus démocratique au Congo-Kinshasa.
Seize années après son accession au sommet de l’Etat congolais, « Joseph Kabila » fait face à un isolément diplomatique sans précédent suite. Les causes sont à rechercher notamment dans les répressions sanglantes des 19, 20 et 21 janvier 2015 et du 19 et 20 septembre 2016. En ordonnant l’interruption du signal de Radio Okapi et de RFI dans la nuit du 4 au 5 novembre, le pouvoir kabiliste s’est tiré une balle dans le pied. Il a confirmé sa vraie nature. La confiscation de l’information est l’arme de prédilection des dictateurs.
Les semaines et mois à venir pourraient démontrer aux oligarques congolais qu’en matière de politique étrangère, les Etats démocratiques ont des intérêts conjoncturels mais aussi des intérêts permanents. Ces derniers survivent généralement au changement à la tête de l’Etat. En clair, il n’est pas sûr que la future Administration Trump balaie passe par pertes et profits la «politique congolaise » initiée par le démocratique Obama et son secrétaire d’Etat Kerry. « Il n’est pas exclu que l’Administration Trump recourt à l’expertise de l’ancien sous-secrétaire d’Etat Herman Cohen en ce qui concerne les questions africaines», croit savoir le juriste Jean-Claude Ndjakanyi.
Pour la petite histoire, le 23 octobre 2016, Herman Cohen adressait une lettre ouverte à
« Joseph Kabila ». « La majorité du peuple congolais semble être déçu par la gouvernance au cours de votre deuxième mandat », écrivait-il avant de souligner qu’il redoute que le maintien du Président sortant à la tête du pays au-delà du 19 décembre prochain plonge le Congo-Kinshasa dans une convulsion politique…Donald Trump prendra ses fonctions le 20 janvier 2017.
Baudouin Amba Wetshi
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