Les délégués au dialogue font forte pression sur Kabila

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Les délégués au dialogue font forte pression sur Kabila

Ils se moquent des appels de la communauté internationale

Les principales échéances, notamment  la formation du gouvernement d’union nationale, ayant volé en éclats, les signataires de l’accord politique du 18 octobre 2016 commencent à perdre leur patience.  Ils ignorent les appels de la communauté internationale à un second round des négociations et intensifient la pression sur le chef de l’Etat en vue de la réalisation de leurs ambitions politiques.

 

Il a fallu que Le Potentiel suscite le débat sur un début de violation de l’accord politique du 18 octobre 2016 pour que la panique gagne le camp de ses signataires. Jeudi dans l’après-midi, le ministre de la Justice et Droits humains, Alexis Thambwe Mwamba, également co-modérateur du dialogue pour le compte de la Majorité présidentielle, a convoqué en urgence ses collègues de l’Opposition (Vital Kamerhe) et de la Société civile (Maguy Kyala) pour sauver les meubles.

Il s’est agi en réalité d’une mission de brouillage de pistes. Car, en lieu et place d’une conférence de presse, les journalistes, conviés au cabinet du Garde des sceaux, ont plutôt eu droit à un monologue de délégués des dialoguistes de la cité de l’UA. Le trio n’a accepté aucune question de la part des professionnels des médias.

Six jours pour trancher

Alexis Thambwe a été le premier à battre la mesure. Le ministre a eu du mal à trouver ses mots. Juriste de son état, l’exercice a été périlleux pour lui. « Le président de la République entend respecter cet accord entièrement. Toutes les dispositions de cet accord seront respectées par lui. C’est lui qui doit assurer la mise en œuvre de cet accord », s’est-il évertué à préciser, sans convaincre du tout l’assistance. Et de go, il s’est lancé dans la recherche d’un alibi pour couvrir le retard constaté dans la mise en œuvre du fameux accord de la cité de l’UA.

Contrairement à l’article 25 de l’accord politique dont il est l’un des signataires, l’orateur a laissé entendre qu’« en tant que bureau avec le facilitateur, nous lui (Ndlr : le chef de l’Etat) avons remis cet accord que le lundi 24 du mois dernier ». Donc, dans son entendement, le délai de 21 jours est à compter à partir de cette date. Et de lancer à brûle-pourpoint à l‘assistance : « Le contraire serait votre interprétation ». C’est trop simpliste comme moyen de défense.

Au fond, le ministre n’était pas prêt à affronter la presse qui s’était mise à grommeler en se voyant refuser le droit au jeu de questions –réponses. « Je ne suis pas là pour ouvrir un débat avec qui que ce soit. Je suis là pour vous communiquer que le délai de 21 jours commence à courir à partir du 24 octobre. D’ailleurs, un communiqué appuyant cela avait été publié à l’issue de la rencontre que nous avons eue avec le président de la République et le facilitateur ». Et de conclure très vite : « Donc, il faut commencer à compter à partir du 24 octobre pour la mise en place du nouveau gouvernement » (sic).

Pour sa part, Vital Kamerhe, co-modérateur du dialogue pour le compte de l’Opposition à la cité de l’UA, s’est limité à déclarer que l’application de l’accord politique du 18 octobre 2016 avait déjà commencé avec la désignation de la Conférence épiscopale nationale du Congo par le chef de l’Etat pour relancer les consultations.

Qu’est-ce à dire ? Que la Cenco (Conférence épiscopale nationale du Congo) se serait déjà substituée au Comité de suivi de mise en œuvre des recommandations du dialogue (CSD), tel que prévu à son article 20 ? Evasif, Kamerhe a évité la question en tentant à la fois de sauver la face tout en s’enfonçant davantage dans l’absurdité.

En assimilant le travail de la Cenco à celui dévolu dans l’accord au CSD, Kamerhe reconnaît indirectement que les travaux de la cité de l’UA n’ont rien résolu et qu’il fallait poursuivre ou reprendre (c’est selon) les négociations politiques. Ça, c’est d’un. De deux, il affirme, sans le vouloir, que l’on est là en face d’une flagrance violation de l’accord politique par le chef de l’Etat. Cette entorse, Vital Kamerhe en portera la responsabilité, le moment de décompte venu.

Dans la foulée, les signataires, par la voix du trio  Thambwe-Kamerhe-Kyala, ont rappelé que le chef de l’Etat avait encore six jours, soit jusqu’au 13 novembre 2016, pour boucler le dossier de la formation d’un gouvernement d’union nationale, tel que prévu à l’article 17 point c de l’accord du 18 octobre 2016.

Kabila, l’imprévisible

En fixant un deadline au président Kabila, les signataires de l’accord de la cité de l’UA se sont trompés d’approche. Des observateurs avertis de la scène politique congolaise plaignent tous ces ambitieux  et leur rappellent que Joseph Kabila, depuis son arrivée au pouvoir en janvier 2001, n’est pas un homme de nature à céder facilement à la pression.   

Il en a d’ailleurs été le cas avec le gouvernement de cohésion issu des concertations nationales de 2013. C’est plus d’une année après, soit en décembre 2014, que le chef de l’Etat a enfin nommé ce gouvernement, faisant fi de tous les appels incessants de principaux signataires de l’acte final des concertations nationales.

Ce que font les signataires pourrait être interprété comme une manière de pousser le chef de l’Etat à nommer sans tarder un premier ministre et non attendre l’aboutissement de la mission de bons offices confiée à la Cenco.

En clamant tout haut qu’un gouvernement d’union nationale sera publié dans les six jours qui viennent, Thambwe, Kamerhe et Kyala ont hypothéqué leur rêve. Ils ont fourni  au chef de l’Etat la preuve de leur insouciance quant à la gravité de la crise politique qui couve aux portes de la RDC. C’est aussi la marque de leur indifférence aux multiples appels de la communauté internationale qui continue à souligner « le besoin urgent d’un accord élargi et inclusif sur la date de l’élection présidentielle et sur le leadership de la RDC après l’expiration du deuxième mandat du président Kabila, le 19 décembre ».

Dans leur acharnement à obtenir coûte que coûte un poste au prochain gouvernement, ils ont démontré que rien, ni personne ne compte à leurs yeux, qu’il s’agisse du peuple congolais, de Joseph Kabila et d’autres parties prenantes à la crise. D’ores et déjà, d’aucuns les qualifient de maîtres chanteurs.

Les Etats-Unis sont revenus dans leur déclaration du 7 novembre 2016, sur ce que l’ensemble de la communauté internationale exige, à savoir « le dialogue inclusif et le respect des principes démocratiques fondamentaux sont cruciaux pour empêcher de nouveaux troubles, sauvegarder les nombreuses années durant lesquelles des gains importants ont été engrangés et garantir un avenir paisible à tous les citoyens congolais ».

Le Potentiel

 





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