Débauchage : retour aux années Mobutu

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Débauchage : retour aux années Mobutu

La liste en circulation dans les salons politiques de Kinshasa est authentique.

On constate, après un coup d’œil circulaire sur les noms des signataires, qui revendiquent leur appartenance au Rassemblement des Forces Politiques et Sociales Acquises au Changement – la grande plate forme de l’Opposition absente au Dialogue piloté par le facilitateur Edem Kodjo, qu’il s’agit d’un groupe d’opportunistes débauchés pour les besoins de la cause.

On y reconnaît de vagabonds politiques de longue date associés à d’illustres inconnus, qui tentent de se donner de l’importance en soutenant avoir engagé un regroupement politique dont tout le monde connaît l’animateur principal, à savoir Etienne Tshisekedi, et d’autres ténors tels que Moïse Katumbi, ex-gouverneur de la « défunte » province du Katanga parti rejoindre son frère aîné Katebe Katoto en exil, Olivier Kamitatu, Charles Mwando Nsimba, Gabriel Kyungu wa Kumwanza, Martin Fayulu, Gilbert Kiakwama, Pierre Lumbi, Freddy Matungulu, Delly Sessanga, Jean-Claude Vuemba, Franck Diongo…

 

            Bref, aucun gros poisson du Rassemblement – entendez membre du Conseil des Sages – n’a mordu à l’appât de la Majorité Présidentielle, qui fait miroiter des postes ministériels et de gestionnaires d’entreprises publiques à tous ceux qu’elle croit être capables de fragiliser Tshisekedi et ses compagnons de lutte, foncièrement opposés à la violation de la Constitution en ce qui concerne les délais d’organisation des élections et à un troisième mandat de Joseph Kabila.

            Cette stratégie de débauchage rappelle à plus d’un habitant de l’ex-Zaïre, aujourd’hui République Démocratique du Congo, les années Mobutu. En effet, entre le 24 avril 1990, date de la proclamation du multipartisme par le président-fondateur du MPR (Mouvement Populaire de la Révolution), et le 17 mai 1997, marquant la prise du pouvoir par les rebelles de l’AFDL (Alliance des Forces Démocratiques pour la Libération du Congo), conduits par Laurent-Désiré Kabila, on assista à un interminable « bal de chauves », à savoir le reniement de l’opposition par nombre de ses membres, opposants radicaux comme dissidents temporaires de la mouvance présidentielle.

L’histoire retient à ce propos quelques noms célèbres : Bernardin Mungul Diaka, Nguz a Karl I Bond, Faustin Birindwa, Léon Kengo, Marcel Lihau, Mbwankiem Nyarolien, Willy Mishiki, Corneille Mulumba… pour ne citer qu’eux. Mobutu visait un double objectif : isoler Etienne Tshisekedi et casser la dynamique du changement qu’il incarnait.

Bien que la recette du débauchage ait largement montré ses limites, elle semble fort prisée par le pouvoir en place, qui multiplie les coups fourrés contre l’Opposition en vue de la mettre KO. On se souvient, à ce sujet, de l’instrumentalisation des députés nationaux élus en 2011 sous le label UDPS en les obligeant à désobéir au mot d’ordre de boycott lancé par leur chef pour protester contre les fraudes électorales observées lors de la présidentielle comme des législatives nationales. Erigé en groupe parlementaire alors que le parti est absent du parlement, il est devenu l’ombre de lui-même.

            Lors des Concertations Nationales (septembre-octobre 2013), des cadres de l’UDPS et de plusieurs partis de l’Opposition avaient également été débauchés pour tenter de leur donner un caractère inclusif. La fin de l’histoire est qu’à la sortie du fameux gouvernement d’union nationale qui faisait courir les chasseurs des postes ministériels, de nombreux taupes de l’Opposition étaient déçues, car proprement roulées dans la farine.

            Le scénario s’est répété lors du dialogue de la Cité de l’Union Africaine (1er septembre- 18 octobre 2016). Ceux qui connaissent la constance d’Etienne Tshisekedi savent qu’il ne va pas dévier de la ligne de conduite qu’il s’est donnée. D’où, la Majorité présidentielle qui semble avoir jeté son dévolu sur du menu fretin va finir par se rendre compte qu’elle fait fausse route. C’est dommage que l’entourage de Kabila ne se donne pas la peine de relire correctement les pages d’histoire nationale et d’en tirer les leçons qui s’imposent pour ne pas retomber dans les erreurs du passé.

 Kimp/Le Phare





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