Négociations politiques : la Cenco consulte

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Négociations politiques : la Cenco consulte

L’option d’un second round de dialogue sous forme de négociations politiques directes Majorité – Opposition se précise.

La CENCO joue aux bons offices pour faire aboutir cette initiative. Le chef de l’Etat Joseph Kabila, que celle-ci a eu à rencontrer, n’y trouverait pas d’inconvénient. Quand bien même l’on n’en ferait pas beaucoup de bruit, le président de la CENCO aurait entamé des consultations avec les protagonistes, dont le « Rassemblement ».

L’éventualité d’un second round de dialogue politique, autrement dit des négociations politiques, sous l’égide de la CENCO (Conférence épiscopale nationale du Congo), n’est plus une vue d’esprit. Au contraire, elle hante désormais les esprits.

Ça bouillonne sur les réseaux sociaux. En même temps, dans l’entourage de Vital Kamerhe, co-modérateur de l’Opposition au dialogue, on commence peu à peu à perdre espoir. Raison : l’homme était pressenti Premier ministre au terme de l’accord politique du 18 octobre 2016, mais l’évolution de la situation apporte de gros nuages sur ses ambitions. Sur son compte twiter, Juvénal Munubo, député national UNC et participant au dialogue de la cité de l’UA, ne se retient plus : « Le dialogue a été tenu, il reste à intégrer les absents ». Ce tweet traduit tout le désarroi qui gagne le camp Kamerhe.

Sur un autre tableau, une guerre de tranchées mine actuellement l’Opposition ayant pris part au dialogue de la cité de l’UA. La course à la Primature a réactivé les anciens clivages. Steve Mbikayi, président du PT (Parti travailliste), a annoncé sa rupture avec Kamerhe.

Pendant ce temps, l’Eglise catholique est au four et au moulin, travaillant pour de nouvelles négociations politiques réputées désamorcer la crise qui s’accentue de plus en plus. Un second round du dialogue se prépare.

Revoici la CENCO

Il est vrai que jusqu’à la signature, le 18 octobre 2016, de l’accord politique issu du dialogue, l’Eglise catholique avait gardé ses distances, estimant que la démarche choisie par l’émissaire de l’Union africaine, Edem Kodjo, ne faisait qu’aggraver la situation de crise en RDC. Raison pour laquelle elle avait claqué la porte des travaux de la cité de l’UA, au motif que ces assises péchaient par leur manque d’inclusivité. Toutefois, la CENCO n’avait pas baissé les bras. Dans les coulisses, l’Eglise catholique a continué à faire pression, réconfortée dans son action par le soutien du Saint-Siège et les appels à répétition de la communauté internationale pour un vrai dialogue, voulu inclusif.

Sa détermination commence à rapporter. Car, de plus en plus, le projet d’un second round du dialogue – terme employé pour la première fois par le Conseil des affaires étrangères de l’Union européenne – accroche. Si dans les milieux de la Majorité présidentielle, les plus radicaux s’opposent à cette initiative, son autorité morale n’y verrait aucun inconvénient.

Des sources internes de la présidence de la République rapportent que la question a été au centre de l’entretien que le chef de l’Etat a eu le week-end avec le président de la CENCO, Mgr Marcel Utembi. Le projet d’un 2ème round du dialogue qui inclurait toutes les parties, notamment le Rassemblement des forces politiques et sociales au changement, plate-forme autour d’Etienne Tshisekedi, fait du chemin.

La CENCO a mis les bouchées doubles pour gagner le pari. Des consultations ont été engagées depuis hier lundi avec la classe politique et les forces vives de la nation. Le « Rassemblement » a été le premier à ouvrir le bal. D’autres forces politiques et sociales, qui n’ont pris part au dialogue de la cité de l’UA, devraient lui emboiter le pas.

Dans les couloirs du Centre interdiocésain de Kinshasa, les premières bribes d’informations sont rassurantes. Le « Rassemblement », indique-t-on, a marqué son adhésion à l’initiative de la CENCO, sans poser des conditions insurmontables. Apparemment, Etienne Tshisekedi et ses alliés ont sérieusement évolué dans leurs revendications. En mettant un peu d’eau dans le vin, le « Rassemblement » ne veut donc pas se constituer en élément de blocage de l’ultime sauvetage qu’apporte l’Eglise catholique.

Le MLC ne ferme pas la porte

Dans la volonté d’impliquer l’Opposition dans un dialogue véritablement inclusif, le MLC de Jean-Pierre Bemba partait pour jouer le trouble-fête. En effet, se démarquant de la voie choisie par le « Rassemblement », le MLC venait de prendre la tête d’une plateforme  dénommée « Front pour le respect de la Constitution ». Cette plate-forme mise sur deux options : « Soit nous optons pour cet accord qui viole la Constitution, qui nous amène dans une dérive dictatoriale, ou alors nous optons pour la Constitution qui amène à la paix, à la stabilité de notre pays », a déclaré Eve Bazaïba, citée par RFI.

Contactée lundi en fin de soirée par Le Potentiel, Eve Bazaïba s’est montrée plutôt modérée. «Le MLC et le Front pour le respect de la Constitution restent ouverts pour des discussions techniques liées aux élections », a-t-elle déclaré. Cela avant de se rabattre sur le président de la Ceni : « Ce que M. Nangaa a donné pour cautionner la prolongation du mandat du président de la République n’est pas accepté par la population. Pourquoi on n’a pas eu les élections dans les délais constitutionnels ? Qu’est-ce qui a manqué ? Aujourd’hui, les langues se délient et on constate que l’argent ne constituait pas un problème avec les révélations faites par Jean-Jacques LumumbaLa Ceni a l’argent dans ses comptes, l’argent qui prenait d’autres directions alors qu’on nous a fait croire qu’il n’y avait pas d’argent pour organiser les élections dans les délais ».

Même s’il se montre dubitatif, le MLC ne croit pas tourner le dos à la CENCO. « Nous apprécions la démarche de la CENCO. Le MLC est là et prêt à parler de toutes ces questions, mais jamais il n’envisage d’aller dans un dialogue à la recherche d’un accord politique en violation de la Constitution ou un mandat de plus au président de la République, en échange des postes. C’est de la corruption pure et simple et c’est ce qui s’est passé au camp Tshiatshi », tranche Eve Bazaïba.

Pour le moment, la CENCO s’est investie à fond pour mener jusqu’à bon port son projet de négociations politiques directes entre la Majorité et l’Opposition. Dans cette voie escarpée qui ne manquera pas de trouver une farouche résistance des caciques de la MP et d’autres parties signataires de l’accord politique du 18 octobre 2016, l’Eglise catholique peut compter sur le soutien de la communauté internationale, particulièrement les Etats-Unis et l’Union européenne, totalement engagés dans le schéma d’un 2ème round de dialogue.

Forte de ce réconfort des protagonistes, la CENCO déblaie la voie pour sortir de l’impasse et éviter à la RDC une crise politique de grande ampleur. Edem Kodjo ayant montré ses limites, revoici l’Eglise catholique dans un exercice difficile mais plein d’espoir, de réconciliation.

 

Encadré

Réactions de la classe politique

Me Yoko Yakembe, juriste proche de la MP : « C’est une démarche positive pour le chef de l’Etat qui consiste à garder la main tendue vers les différentes composantes des forces vives de la nation. Cette main tendue doit rester jusqu’à trouver des solutions durables aux problèmes qui se posent dans notre pays. C’est-à-dire les voies de tous ceux qui veulent que notre pays vive ne doivent pas être négligées. Il faut les encourager et l’Eglise catholique est parmi les forces les plus dynamiques et les mieux organisées de notre pays. Nous avons besoin de ses conseils, de ses recommandations, mais surtout de son impartialité et de sa neutralité. Elle doit rester juste comme l’église au milieu du village. Elle est une force de paix, elle doit œuvrer pour que cette paix soit durable ».

Patrick Kakwata, député national MP : « Je vois mal que nous puissions, à ce jour, demander un deuxième dialogue. Est-ce que nous avons encore le temps de nous mettre dans des réunions presqu’interminables ? Le dialogue a pris fin le 18 octobre dernier, un mois et demi après son lancement, avec la signature d’un accord politique qui prévoit l’organisation des élections en avril 2018Il faut avancer et non nous engager encore dans un autre dialogue. Ce n’est pas opportun ».

Henri-Thomas Lokondo, député national MP : « Je salue la démarche de la CENCO parce que ma conviction est que si les amis du Rassemblement ne sont pas avec nous, on va patauger dans la crise politique et sociale qui s’annonce dure. Il faut à tout prix que tout le monde soit impliqué. Il faut qu’il y ait des formules pour que ceux du Rassemblement aient voix au chapitre. Il faut considérer également quelques aspects de leur feuille de route pour l’intérêt supérieur de la nation. Cela ne gênerait pas de rapprocher l’accord, des conclusions du conclave du Rassemblement. L’accord, c’est comme un texte de loi qui peut être modifié. Si nous modifions les lois de la République que nous votons et même la Constitution, pourquoi l’accord ne peut pas être modifié si l’intérêt supérieur de la nation l’exige ? »

Jacques Djoli, sénateur MLC : «Si le chef de l’Etat a rencontré la CENCO, on ne peut qu’encourager une telle approche. La CENCO est une institution qui a présenté la meilleure approche de gestion de pseudo-crise. Elle propose, entre autres, le respect de la Constitution, l’impératif d’inclusivité réelle. Cette approche nous éloigne de la marche opportuniste d’une présidentielle prolongée sur fond d’élections hypothétiques en avril 2018 contre la Primature et quelques maroquins».

Le Potentiel





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