RDC: Vital Kamerhe : "Je suis injustement diabolisé..."
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Quarante-huit heures après la suspension de la participation de la composante "Opposition" au dialogue politique national, rares sont les observateurs qui croient "à l’authenticité" de cet acte.
A tort ou à raison, les mots "plaisanterie", "mise en scène", "farce" revenaient dans les discussions. Des "mauvaises langues" assurent que ce scénario aurait été concocté dès dimanche 11 septembre. "C’était lors d’une rencontre tripartite entre Léonard She Okitundu, Alexis Thambwe Mwamba et Vital Kamerhe", indique-t-on. But : redorer le blason du facilitateur Edem Kodjo et "réhabiliter" l’image du président de l’UNC (Union Pour la Nation Congolaise). La majorité "gagnerait" en faisant un semblant de concession. Des allégations que Kamerhe conteste énergiquement. N’empêche, les tenants de cette thèse croient dur comme fer que la MP finira par donner gain de cause à l’Opposition...
On rappelle que dans la soirée de lundi 12 septembre, Vital Kamerhe a publié un communiqué explicatif en sa qualité de co-modérateur de la composante "Opposition politique".
Le texte indique que la séquence des élections tient lieu de pomme de discorde. La majorité considère que les consultations politiques doivent commencer par les locales et les municipales; l’élection présidentielle devant être le couronnement. L’opposition, elle, estime qu’il faut "rattraper le temps constitutionnel" en donnant priorité à l’élection présidentielle à coupler éventuellement avec les législatives et les provinciales.
Selon ce communiqué, ce sont donc ces deux "positions diamétralement opposées" qui ont incité l’Opposition à suspendre sa participation à ce forum.
La refonte du fichier
Le troisième paragraphe dudit communiqué a particulièrement retenu l’attention des analystes contactés par l’auteur de ces lignes. On peut lire : "S’agissant de la thématique relative à l’élection, l’opposition note la nécessité de la refonte du fichier électoral pour prendre en compte les nouveaux majeurs et les compatriotes de la Diaspora, sous réserve de la restructuration de la CENI".
Le mot "refonte" a fait bondir plus d’un de nos interlocuteurs. "La refonte du fichier électoral ouvre un grand boulevard au ’glissement’, fulmine un analyste. La refonte signifie que la CENI va procéder à un ’nouveau recensement’ des 40 millions d’électeurs que compte notre pays. Cette opération pourrait durer trois à cinq ans. Vital Kamerhe vient de donner un troisième mandat à Joseph Kabila". Une accusation pour le moins gravissime.
Un autre analyste d’enchaîner : "L’Organisation Internationale de la Francophonie via son expert, le général Siaka Sangaré, avait fait une proposition tout à fait acceptable consistant à procéder à une révision partielle du fichier de 2011. La CENI devait supprimer les personnes décédées et les doublons et enrôler uniquement les nouveaux majeurs, les congolais de l’étranger et les personnes ayant égaré leurs carte d’électeurs".
A en croire notre troisième analyste, la CENI aurait rompu de manière abusive le contrat qui le liait à la firme belge "Zetes". Celle-ci a été remplacée par la société française "Gemalto". Zetes exigerait un montant de plus ou moins cinq millions $ pour se céder la clef de sa base de données. "En confiant le traitement du fichier à une nouvelle société, dit notre interlocuteur, il est désormais clair que la CENI recourt à des manoeuvres dilatoires pour retarder l’avènement de l’alternance démocratique".
Pour le Bruxellois Jean-Marie Luhai, la stratégie suivie par le président de l’UNC ne vise qu’à se mettre en évidence. "Vital Kamerhe et ses camarades de l’opposition auraient dû négocier l’exigence à l’origine de la crise lors des travaux préparatoires du dialogue". Pour lui, l’ancien président de l’Assemblée nationale "a mal joué".
Priorité à l’élection présidentielle
Au début de la soirée de ce mardi 13, l’auteur de ces lignes reçoit un appel téléphonique en provenance du Congo-Kin. Le correspondant n’est autre que Vital Kamhere, le co-modérateur de l’Opposition. Que répond-il à ceux qui qualifient de "plaisanterie" la décision de l’Opposition de quitter le dialogue politique? "Ce que les gens racontent m’importe peu", dit-il sur un ton déterminé. Il explique : "La crise qui nous occupe est née parce que nous refusons la séquence consistant à commencer le processus électoral par les élections locales et municipales. Notre pays n’a jamais connu de manifestations suite au refus d’organiser les élections locales".
Selon lui, l’Opposition n’entend en aucun cas céder sur ce point. La priorité doit être donnée à l’élection présidentielle. "Nous devons nous conformer au prescrit constitutionnel ainsi qu’à la résolution 2277 du Conseil de sécurité des Nations Unies, souligne-t-il. Référez-vous au petit mot que j’avais prononcé lors de l’ouverture des travaux du dialogue. J’avais insister sur le respect de la Constitution."
Pour Kamerhe, contrairement à ce que d’aucuns pourraient penser, les opposants qui participent au dialogue "prennent en compte les frustrations de tout le monde". "Ce que nous faisons, ce n’est nullement pour Joseph Kabila mais bien pour la postérité et la paix civile".
Selon lui, le retour de l’opposition dans la salle signifierait "que la majorité présidentielle a accepté de donner priorité à la présidentielle à coupler par exemple avec les législatives". A-t-il des contacts avec les membres du Rassemblement? "J’ai des contacts avec les membres du G7 que je remercie". Et d’enchaîner :"Il faut que les autres me disent pourquoi ils sont absents de ces assises. Y a-t-il dans notre pays un acteur politique qui serait contre l’alternance? Le dialogue est une affaire congolo-congolaise. Les débats sont conduits par des enfants du pays. Le facilitateur assure le secrétariat".
"VK", comme l’appellent ses proches, espère qu’il sera mis fin à la "campagne de diabolisation" dont il fait l’objet injustement. Il espère également que ses camarades du "Rassemblement" viendront signer l’accord politique issu de ce forum lorsqu’ils auront constaté que "nous avons respecté les principes communément partagés".
Au moment de boucler ces lignes, on apprenait que Tom Perriello, l’Envoyé spécial de l’Administration Obama dans les Grands lacs, aurait abondé dans le sens des opposants en exhortant le personnel politique congolais à donner priorité à l’élection présidentielle.
B.A.W
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