Luanda au chevet de la rdc : un sommet sans grand enjeu

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Luanda au chevet de la rdc : un sommet sans grand enjeu

A 48 heures du sommet de Luanda, consacré essentiellement à la crise en RDC, des interrogations fusent de partout.

Par le Potentiel

Les plus sceptiques pensent que l’Angola, dont le président, José Eduardo dos Santos, trône au pouvoir depuis 1979, rappellera à ses homologues le deal qui les lie sur la solidarité tous azimuts.  Après la SADC, la CIRGL donnera un second souffle à Joseph Kabila. A moins d’un revirement spectaculaire, le sommet de Luanda s’annonce sans grand enjeu.

Alors qu’à Kinshasa, l’accord politique signé le 18 octobre 2016 entre la Majorité présidentielle et ses alliés de l’Opposition, dite modérée, ainsi que de la société civile peine à s’imposer, c’est à Luanda, capitale de l’Angola, que se déplace l’actualité politique congolaise. Comme annoncé par des canaux diplomatiques, il se tient ce mercredi 26 octobre à Luanda un sommet extraordinaire consacré uniquement aux tensions récurrentes en RDC. Outre la Cirgl, dont l’Angola assume actuellement la présidence, la SADC (Communauté de développement de l’Afrique australe), l’Union africaine et les Nations unies sont conviées à cette rencontre.

Les attentes sont nombreuses dans la capitale angolaise où Jose Eduardo dos Santos pense peser de tout son poids dans la région pour faire avancer les choses en RDC. Mais, au-delà de l’implication du président angolais, des questions se posent, au regard des participants au sommet de Luanda. La Cirgl a du mal à imprimer sa marque dans la résolution de différents conflits internes qui gangrènent cette région. Au Burundi, l’organisation sous régionale n’a pas su faire fléchir le président Pierre Nkurunziza. Parviendra-t-elle à dissuader Joseph Kabila à renoncer à un troisième mandat ?

Dans la ville haute, on en parle. Des langues se délient. Nombre d’observateurs sont d’avis que le sommet de Luanda va, comme bien d’autres auparavant, accouché d’une souris. Ils ont de bonnes raisons d’y croire.

Des raisons de s’inquiéter

Dans un premier temps, l’hôte du sommet, le président Jose Eduardo dos Santos, n’inspire pas confiance. Au pouvoir depuis 37 ans, on voit très mal comment celui-ci pourrait convaincre le président Kabila de quitter le pouvoir après 15 ans de règne. A ses côtés les autres chefs d’Etat africains annoncés à Luanda affichent le même profil. Le Tchadien Idriss Déby Itno, également président en exercice de l’Union africaine, vient de réussir un coup de force en s’adjugeant un cinquième mandat.

Même cas de figure de l’autre côté du fleuve Congo, où Denis Sassou Nguesso est parvenu à conserver son siège en tripatouillant la Constitution. Yoweri Museveni en Ouganda, Paul Kagamé au Rwanda ne font pas exception. Certes, on peut évoquer les cas de la Zambie et de la Tanzanie, deux exemples de démocratie dans la Cirgl et la SADC. Mais au regard de la solidarité qui semble prendre le dessus sur le respect de la Constitution, les présidents zambien et tanzanien sont-ils bien placés pour influencer le débat à Luanda et faire pencher la balance en faveur des attentes du peuple congolais ? Arrivés à peine au pouvoir, ceux-ci doivent prendre un peu plus de temps pour s’accommoder des us et coutumes du cartel, autant à la CIRGL, à la SADC qu’à l’Union africaine.

Un témoignage accablant

Dans une récente déclaration, du reste relayée par Angop, agence de presse officielle de l’Angola, le ministre angolais des Affaires extérieures, Georges Chikoti, avait affiché ses préférences. « Certainement que les élections (Ndlr : en RDC) ne seront pas possibles à la date prévue, qui devait être donc à la fin de l’année, mais éventuellement il faudra une certaine période de transition pour que l’on puisse conclure avec les aspects techniques et financiers qui manquent pour la réalisation des élections ».

Autrement dit, à Luanda, la partie a été jouée à l’avance. Les chefs de l’Etat conviés à ce sommet n’auront qu’un seul souci : protéger Kabila pour lui assurer une transition en douceur. Il ne faut donc pas s’attendre à un miracle à Luanda. Avec des chefs d’Etat qui affichent des années au pouvoir – 20 ans en moyenne (voir le tableau en encadré) -, le président Kabila ne devait pas s’inquiéter de la rencontre de Luanda. Bien au contraire, ce sommet va tout en sa faveur. Il peut lui permettre de consolider sa position et tenter un coup de force pour la survie de son régime.

D’aucuns, cependant, se veulent optimistes  et estiment qu’à ce sommet, l’Angola pourrait surprendre au vu de l’évolution de la perception de la communauté internationale sur la crise congolaise. Ayant annoncé de quitter le pouvoir en 2018, va-t-il accepter de se voir voler la vedette dans la conduire des débats ? Il pourrait dicter la cadence.

Vers une recette démocratique à l’africaine

A tout prendre, la rencontre de Luanda reste globalement sans grand enjeu. Dans la mesure où la question persistante reste celle de savoir si les loups vont se manger entre eux ? Raison pour laquelle, les plus pessimistes parlent d’un remix de ce que la SADC avait offert comme conclusions après son show de Kinshasa. Dans ce cas, ce ne serait ni moins ni plus une distraction de plus pour une évolution en dents de scie de la politique africaine.

Après les années de coups d’Etat qui ont suivi les indépendances, l’on a assisté à l’installation des régimes dictatoriaux avant que le vent démocratique ne vienne pousser les régimes africains à expérimenter la démocratie. Ce système, au fil du temps,  s’est révélé comme un greffe mal accueilli et dont le corps malade cherche à se débarrasser. En réalité les régimes africains se complaisent dans une sorte de « démocrature », tel que le sénateur Modeste Mutinga l’a dénoncé en son temps dans un ouvrage intitulé « La RD à l’aube de la 3ème République : Démocratie ou démocrature ? ».

En définitive, pour l’instant, la seule voie de sortie de la crise congolaise reste la convocation d’un dialogue véritablement inclusif réunissant les acteurs majeurs de la crise, dont le Rassemblement des forces politiques et acquises au changement. Toute autre initiative qui s’écarterait de ce schéma ne ferait qu’aggraver la crise et éloigner davantage la paix en RDC.

 

Encadré

Les invités de Luanda et leurs années au pouvoir

Pays

Chef d’Etat

Les années au pouvoir

Angola

Jose Eduardo dos Santos

37 ans

Tchad

Idriss Déby Itno

26 ans

Ouganda

Yoweri Museveni

30 ans

Rwanda

Paul Kagamé

16 ans

Congo/Brazzaville

Denis Sassou Nguesso

32 ans

Burundi

Pierre Nkurunziza

10 ans

Afrique du Sud

Jacob Zuma

7 ans

Tanzanie

John Magufuli

Elu en 2015

Zambie

Edgar Lungu

Elu en 2016





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