Congo-Kinshasa : des AK-47 plutôt que des canons à eau, une stratégie qui pose question

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Congo-Kinshasa : des AK-47 plutôt que des canons à eau, une stratégie qui pose question

"Pourquoi le matériel indiqué dans la répression des débordements de manifestation (canons à eau notamment) n’a-t-il pas été utilisé ?"

Une semaine après les émeutes à Kinshasa (50 à 100 morts) lors de la manifestation contre le maintien du président Kabila au-delà de la fin de son second mandat, d’aucuns s’interrogent sur la stratégie adoptée à cette occasion par les autorités congolaises.

Ainsi, selon des documents diffusés sur Internet, lorsque l’opposition a négocié, dimanche 18 septembre, avec le gouverneur de Kinshasa, André Kimbuta, le trajet de la manifestation, ce dernier a refusé une première proposition qui faisait passer le cortège de l’avenue de l’Enseignement (non loin du Palais du Peuple, qui abrite le Parlement) jusqu’à la Ceni (Commission nationale électorale indépendante), en plein centre-ville. Ce trajet ne passait devant aucune permanence de partis de la Majorité présidentielle.

Itinéraire à risque

Les représentants de l’opposition ont alors proposé un second itinéraire, lui aussi diffusé sur Internet, passant par les banlieues de Kasavubu et Lingwala, sans entrer dans La Gombe (centre-ville). Mais c’est finalement un troisième trajet qui a été adopté. Sur pression du gouverneur ?

Il s’agissait cette fois de partir de l’Echangeur de Limete pour passer ensuite par le boulevard Lumumba et l’avenue Sendwé, soit devant une permanence du PPRD (parti présidentiel) puis devant son siège interfédéral. On sait que le feu a été mis à ces bâtiments lors du passage des manifestants, ce qui a entraîné l’incendie - meurtrier cette fois - de divers sièges de partis politiques d’opposition par des hommes armés dénoncés comme des membres de forces de l’ordre en civil.

L’un autorise, l’autre interdit

Deuxième bizarrerie : le jour de la manifestation, le lundi 19, la police s’est, malgré l’accord avec le gouverneur Kimbuta, opposée à la progression des manifestants vers le lieu de rassemblement convenu, l’Echangeur. Elle a rapidement usé de lacrymogènes puis tiré en l’air avec des AK-47. Ces armes ont fait leurs premières victimes dans les rangs des manifestants dès 10 heures du matin, à Bandalungwa et Limete. Les premiers manifestants étaient alors arrivés boulevard Lumumba - où se trouve la permanence du PPRD - et les policiers armés d’AK-47 y étaient très nombreux. Après que d’autres manifestants aient été tués, des policiers isolés ont été lynchés par la foule en colère, qui a même pris le fusil mitrailleur de l’un d’eux. C’est alors que la marche a été officiellement interdite - trop tard pour rappeler les protestataires - et qu’elle a tourné à l’émeute, avec incendie de plusieurs permanences et sièges de partis politiques de la Majorité présidentielle.

Et beaucoup de s’interroger sur cette autre bizarrerie : pourquoi les policiers encadrant la manifestation étaient-ils équipés d’armes létales ? Pourquoi le matériel indiqué dans la répression des débordements de manifestation (canons à eau notamment) n’a-t-il pas été utilisé ? Ces équipements - que Kinshasa possède en nombre - avaient pourtant largement paradé dans la capitale congolaise, les 14 et 18 septembre, pour dissuader les opposants de protester.

Dès le 21 septembre, le procureur général de la République a interdit la sortie du pays de dix personnalités de l’opposition et demandé leur arrestation pour "insurrection".

lalibre.be





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