Tension RDC - RWANDA : Le notable du Nord-Kivu, Ali Musagara, ex-M23 s’exprime à cœur ouvert

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Tension RDC - RWANDA : Le notable du Nord-Kivu, Ali Musagara, ex-M23 s’exprime à cœur ouvert

Interview Exclusive sur: • L'actuelle guerre du M23, • Le processus de paix de Nairobi • Les messages de haine ethnique contre les populations rwandophones de la RDC.

Depuis que les rebelles du M23 ont déclenché la guerre contre les FARDC dans la partie Est de notre pays, l’on entend ici et là des paroles et discours de haine, sans oublier des messages d'incitation aux violences interethniques contre les populations rwandophones qui ont toujours vécu en parfaite intelligence avec d’autres communautés locales. A en croire le notable Ali Musagara, "la guerre que mène le M23 n'engage que ce mouvement et ses membres n’appartiennent pas tous à la communauté rwandophone. D’ailleurs, souligne-t-il, les forces armées de la RDC comptent en leur sein des Rwandophones qui se battent pour bouter le M23 hors du territoire national. Dès lors, tout devrait être fait pour éviter de tomber dans la stigmatisation de ces compatriotes au motif qu'ils sont de la même ethnie que la majorité des rebelles du M23". 

Pour le notable Ali Musagara, "ces actes sont un signe de lâcheté des personnes en mal de positionnement qui veulent se refaire une santé politique en opposant les communautés congolaises les unes contre les autres".  Pour cette personnalité qui s’exprime ici à cœur ouvert, de la même que d’autres ethnies comme les Nande avec les Mai Mai, les Hutu avec Nyatura, les Rega, Bembe avec les Raia Mutomboki ne sont pas accusées d'appartenir aux groupes rebelles, de même les Rwandophones ne devraient pas être menacés de trahir leur pays d’origine". Il soutient que "la violence et la haine font partie de la stratégie de l'ennemi pour diviser et mieux contrôler les Congolais, mettant ainsi l'unité et la cohésion nationale en danger." 

Dans l’entretien exclusif qu’il a accordé à notre rédaction, le notable  s’engage à fustiger jusqu'à la dernière énergie les appels à la violence des ennemis de la paix désireux d’entretenir l'esprit de division et de haine. Il encourage donc les Congolais, reconnus pour leur hospitalité, à ne pas céder face aux messages des ennemis de la République qui veulent les pousser vers l'hécatombe. "La cohésion et l'unité nationale acquises à Sun City en 2002, gages de paix et de l’unité, ne devraient être compromises à cause des intérêts des politiciens."

LA N.A : Lors de l’occupation  de la ville Goma par le M23 en 2012, vous étiez apparu dans ses rangs, êtes-vous toujours membre?

ALI MUSAGARA : En 2012, la haute hiérarchie du M23, au regard de mon expérience dans l’encadrement des jeunes, m’avait confié la charge de la mobilisation et de la Jeunesse. Fonction que j’ai exercée avec humilité en mobilisant non seulement les jeunes, mais toute la population à adhérer à la vision du M23. Je n'occupe pas ce poste actuellement à cause de mes affaires personnelles qui me prennent beaucoup de temps. Mais, je poursuis mes objectifs d'encadrement de la jeunesse et très bientôt des projets  en faveur des jeunes verront jour. Nous reviendrons vers vous pour de plus amples détails. Après la déclaration de Nairobi du 13 décembre 2012, le M23 était mis à l’écart par le gouvernement de Kinshasa. En attendant la mise en œuvre de cet accord, je pense que les négociations se poursuivent toujours avec l'initiative régionale des Etats d'Afrique de l'Est.

LA N.A : M23 a été défait par l’armée du régime Kabila appuyée par la Brigade d'Intervention rapide de la Monusco, comment expliquez-vous cette réorganisation?

ALI MUSAGARA : En 2013, j’étais à Bunagana après le retrait du M23 de la ville de Goma et l’échec des pourparlers de Kampala dont j’étais parmi les membres de la délégation. Selon mes informations, le M23 était et est toujours prêt à déposer les armes afin d’intégrer le processus de paix. Tout a été conclu, même des réunions de hauts niveaux ont été organisées pour faciliter le retour ordonné des soldats et des cadres politiques. Pour des raisons que nous ne connaissons pas, il se peut que Kinshasa n’ait pas honoré des engagements pris dans la déclaration de Naïrobi, et souhaite  le rapatriement pur et simple sans tenir compte des clauses de l’accord signé le 13 décembre 2013 à Naïrobi. 

Pendant 9 ans d’attente, sans une réponse aux engagements pris du gouvernement devant ses partenaires régionaux et internationaux, le M23 a compris que Kinshasa n’a pas envie de respecter ses promesses, c’est ainsi qu’il a changé la stratégie en optant pour l’option militaire. C’est cela qui explique la réorganisation et la guerre du M23.

LA N.A : Pouvez-vous confirmer l’existence de plusieurs ailes du M23? Si oui, où se situent les bases arrières de ces différentes ailes?

ALI MUSAGARA : A ma connaissance, il existe un seul M23 qui a signé la déclaration de Naïrobi avec le gouvernement de Kinshasa le 13 décembre 2013 devant les partenaires régionaux et internationaux. La branche politique est dirigée par le camarade Bertrand Bisimwa comme président du mouvement, tandis que la branche armée est dirigée par le général Makenga en sa qualité de vice-président. Il se peut qu’il existe aussi d’autres membres qui avaient traversé au Rwanda et dont la plupart se sont fondus dans l’Alliance pour le salut du peuple –ASP- du pasteur Jean Marie Runiga, membre de l’Union sacrée de la nation.

LA N.A : Êtes-vous de ceux qui attestent que le M23 bénéficie du soutien, d'un côté, du Rwanda, et d'autre, de l'Ouganda?

ALI MUSAGARA : Nous avons une spécialité en RDC, celle d’imputer la faute aux autres. La réalité du combat que nous observons sur le front n’est pas justifiable. Le chef de l’Etat est plusieurs fois monté au créneau contre l’affairisme au sein de l’armée. Cette mafia a souillé l’honneur d’être militaire et fragilisé notre armée au point de subir l’humiliation face au M23. Je ne sais pas pourquoi l’on devrait accuser le Rwanda si les FARDC ne parviennent pas à défaire le M23. Je ne contredis pas la version officielle que Kinshasa souhaite véhiculer. Mais devant un fait réel de notre échec face à plusieurs guerres que notre armée est en train de mener, nous devons dire la vérité au chef. Pourtant, le chef de l’Etat a doublé si pas triplé les efforts de guerre mais sans succès.  La preuve en est que les 74 millions de dollars alloués depuis le début  de l’Etat de siège se sont, en grande partie volatilisés à Kinshasa. Comment espérer à une victoire si nous assistons à de tels détournements sans que les auteurs connus ne soient inquiétés. Par ailleurs, si le Rwanda est derrière le M23, qui est derrière Codeco, les Nyatura, Mai Mai, Rai Mutomboki et bien d’autres groupes armés que les FARDC ne parviennent pas à éradiquer? Ces groupes armés sont-ils aussi soutenus par le Rwanda? Nous devons être réalistes, et restructurer notre armée. Dans d’autres pays, après échecs d'un conflit armé, certains devraient démissionner, dans l’armée, la police, les services de renseignement, que dans le gouvernement, d’autres, aux arrêts ! 

 

LA N.A : Confirmez-vous les informations selon lesquelles plusieurs membres du M23 auraient un jour, été invités à Kinshasa pour prendre langue avec les autorités actuelles?

ALI MUSAGARA : Je n’ai jamais fait partie de la délégation du M23 depuis la signature de la déclaration de Nairobi. Comme vous le savez, le M23 est toujours en contact permanent avec Kinshasa à travers le Mécanisme national de suivi de l’accord-cadre d’Addis-Abeba du 24 février 2013. La délégation du M23 se rend souvent à Kinshasa sur invitation du gouvernement à travers le coordonnateur du MNS, et les conclusions des rencontres sont documentées par le service public de l’État.

LA N.A : Selon vous, qu'est-ce qui n'a pas marché pour que le M23 reprenne les armes?

ALI MUSAGARA : L’accord avec le M23 qui a été remodelé et réadapté par la Déclaration de Nairobi, a repris les obligations de Kinshasa par rapport à la revendication du M23 en échange de l’abandon des activités militaires. 

Il y a aussi le manque de sincérité dans le processus de rapatriement des membres du M23. Rien qu’en lisant les communiqués de ce mouvement, vous comprendrez que plusieurs rencontres ont été organisées et que rien n’a été fait jusque-là.

LA N.A : Quelles sont les revendications actuelles du M23 ?

ALI MUSAGARA : Je vous demande de lire la réaction du M23 aux décisions du Conseil supérieur de défense du 29 mai 2022 dont je vous cite les points saillants pour vous permettre de comprendre ce dont le M23 s’est  accordé  avec Kinshasa et qui souffre de la non mise en œuvre: 

«L’on se souviendra que le gouvernement de Kinshasa avait réservé une fin de non-recevoir à toutes les offres de paix que nous lui avons adressées depuis 2019, y compris la reddition sans condition pour désarmement et démobilisation. Par contre, les experts de la Présidence de la République nous feront une contre-proposition sur laquelle nos deux équipes travaillèrent ensemble et aboutirent aux conclusions suivantes:

 a) La reddition totale et sans condition des combattants M23,

 b) Le cantonnement au camp militaire de Mbanza-Ngungu de tous les combattants du M23;

 c) La mise à la disposition du Gouvernement de la République de tous les membres du M23 (politiques et militaires); 

d) Un budget sur la logistique pour cette opération avait été dressé et devait faire l’objet d’une correspondance à adresser au chef de l’État par le vice-Premier ministre et ministre de l’intérieur;

 e) Le M23 devait mettre ses forces en standby depuis décembre 2020 jusqu'en début novembre 2021, en attendant la permission administrative pour faire mouvement vers les lieux de leur embarquement pour le centre de cantonnement; 

f) La remise de la liste de tous les combattants de M23 à l'équipe ad hoc de la présidence pour vérification de leur nationalité et leur appartenance aux FARDC. Vérification faite, il a été constaté que 99% des combattants M23 étaient retrouvés dans l'Ordre général (OG) des FARDC avec des grades supérieurs à ceux qu’ils portent au sein du M23. Et leurs soldes et rations militaires étaient régulièrement payées chaque mois jusqu’au moment de cette vérification. Cependant, il restait à savoir qui les percevait. Ceci est l’une des raisons majeures qui justifient la guerre interminable que nous mènent les hauts gradés de FARDC qui auraient des difficultés à justifier ces fonds;

g) La participation du M23 aux côtés du gouvernement dans la sécurisation et la pacification de l'Est de la RDC: - Le plan militaire:

 · Le M23 met à la disposition du gouvernement de la République et du chef de l'Etat tous ses militaires; 

· La constitution d'une force spéciale de dissuasion. Il s’agissait d’une Brigade spéciale d'Intervention rapide avec capacité de projection immédiate. À deux composantes: 2 bataillons issus du M23 et 2 autres issus d'éléments aguerris des FARDC ayant appartenu au MLC de Jean-Pierre Bemba et celles du général Faustin Munene; 

· La formation pour la remise à niveau des troupes. Ainsi, pendant la période de formation des officiers et hommes de troupes, il aurait fallu mettre l'accent sur la discipline et l'abnégation; 

· Ces unités devraient avoir une mission spécifique, une logistique adéquate et la capacité de se déployer facilement partout dans un court délai; 

· Le camp de rassemblement était localisé à JTN/Mweso où les troupes du M23 seraient basées en provenance de leurs positions collines. Il se ferait alors le tri des éléments qui constitueront la force spéciale à laquelle seraient adjointes des troupes gouvernementales dûment sélectionnées afin de mener des opérations spécifiques et imposer la paix partout où cela était nécessaire et parer à toute éventualité; 

· Afin d'éviter toute interférence dans la chaîne de commandement classique et se rassurer de bons résultats, ces unités spéciales devraient répondre uniquement aux ordres du commandant suprême des armées. 

- Le plan sécuritaire: 

· Durant la période des opérations, particulièrement à L'Est, une structure autonome devrait être installée. Elle devrait disposer d’une coordination unique avec moins d'agents officiels et autant des collaborateurs opérant sous grande discrétion. Cette structure fonctionnerait dans la 3eme zone de défense. Elle pourrait être transposée dans d'autres parties du pays en cas de nécessité; 

· Les ressources humaines du M23 seraient mises à contribution pour assumer ces tâches lors des opérations et sensibiliser les autres groupes armés car maîtrisant ces rouages; 

· Le gouvernement utiliserait la main d'œuvre des ex-combattants pour des travaux d'utilité générale: camps militaires, routes, hôpitaux, l'agriculture. Bref, les travaux qui nécessitent la haute intensité de la main d’oeuvre (HIMO);

 · Les cadres compétents du M23 œuvrant dans le domaine spécialisé de renseignements et d'autres domaines connexes seraient mis à disposition du gouvernement pour le besoin de la cause; 

- Le plan Politique 

· Les cadres politiques de M23 contribueront à l’implantation de la vision du chef de l'état par la sensibilisation afin de conquérir la 2ème base électorale qui est l'est du pays où il accuse un déficit à cause de l'insécurité chronique;

 · Création d’un organe attaché à la Présidence en charge de la réconciliation nationale et de toute question liée aux réfugiés, aux déplacés internes afin de promouvoir le vivre ensemble et la cohabitation pacifique; 

· Faire la diplomatie des villes (l’outil que les gouvernements locaux, les sociétés civiles, les associations ainsi que les chefs de communautés peuvent utiliser pour la promotion de la cohésion sociale, de la prévention et la résolution des conflits, ainsi que de la reconstruction post conflit) dans le but de créer un environnement stable dans lequel les citoyens peuvent vivre ensemble dans la paix, l'harmonie, la démocratie et la prospérité. 

LA N.A : Bunagana tombé, plusieurs sources évoquent l'appui militaire de l'Ouganda, confirmez-vous cette information?

ALI MUSAGARA : La chute de Bunagana est la résultante du manque d’organisation et de la faiblesse de notre armée. Nous devons l'avouer. Si le M23 est soutenu par les pays voisins, que faisons-nous pour protéger nos frontières? Si cette thèse est correcte, donc notre armée ne peut pas tenir face à l’UPDF de l’Uganda. Nous devons assumer notre échec au lieu de chaque fois chercher des échappatoires pour justifier cette défaite. Depuis des décennies, nous assistons aux mêmes justifications pour les mêmes problèmes. Que faisons-nous pour reformer notre armée afin que les pays voisins nous respectent? C’est vraiment dommage. Je reste solidaire avec la population de Bunagana. Espérons que très bientôt la ville sera récupérée par les FARDC.

LA N.A : Comment avez-vous accueilli la suspension des accords et conventions entre le Rwanda et la RDC?

ALI MUSAGARA : C’est avec déception que j’ai accueilli la suspension de ces conventions qui ont eu comme seul leitmotiv la normalisation des relations entre les deux pays. Je suis un notable et je ne peux jamais souhaiter que ces deux pays frères puissent entrer en guerre. Nous oeuvrons sur le terrain pour renforcer la cohésion sociale, mais nos dirigeants devraient nous aider en prenant des décisions qui nous rassemblent, nous unissent et non celles qui nous divisent et nous plongent dans le conflit. Faisons une petite analyse:

Acte 1: En 2018, après l’élection de Félix Tshisekedi comme président de la République, lui-même est allé visiter le Rwanda qui assumait la présidence de l'Union africaine, au motif que c’est pour rassurer le voisin par rapport au nouveau régime, et qu’il faut normaliser les relations en dents de scie avec le Rwanda. Une bonne vision certes. 

Acte2: Kinshasa avait clandestinement pris cette initiative, sans en informer la représentation nationale, même pas publier dans le Journal officiel de la République, en faisant des concessions au Rwanda, de son propre gré, au nom de la paix. Ne dit-on pas que la paix a un prix ? À ce point, je reste dubitatif sur le péché du Rwanda qui avait saisi la main tendue de Kinshasa et entrepris des discussions commerciales normalement comme tout pays cherchant la croissance de son économie et gagner des marchés.

Le Rwanda a conclu le deal en suivant les normes reconnues dans la passation des marchés de son pays. Soyons honnêtes, quelle est la responsabilité  du Rwanda si Kinshasa n’informe pas son parlement? Et quel intérêt le Rwanda aurait obtenu auprès du M23 pour piller nos ressources naturelles, au moment où ce sont nos autorités elles-mêmes qui leur donnent des concessions légalement? Si le Rwanda a déjà acquis tous ces gisements de minerais dans le Nord, le Sud-Kivu, et le Maniema, comme l’on dit, quel intérêt aurait-il à se servir du M23, un soutien qui va lui coûter en hommes et argent pour accéder à ces ressources? 

 Toutes ces interrogations traduisent clairement la difficulté pour Kinshasa à vaincre le M23 malgré tous les moyens mis à la disposition des FARDC, et qu'il ne réussit toujours pas à couvrir le détournement des fonds dilapidés, à la base d’une opération qui n’aboutit pas depuis des décennies. Bref, Les metteurs en scènes de cette mafia mettent en musique toujours les mêmes mélodies:

1. Gestion des groupes rebelles: pérennisation de la crise, laisser la situation se détériorer;

2. Création des opérations: financement de la guerre, efforts de guerre, organisation des opérations retour, détournement des fonds,

3. Démoralisation des FARDC, découragement devant l’ennemi, désorganisation dans le commandement.

4. Après négociation. Et le cercle vicieux continue.

LA N.A : Quelles sont, selon vous, les conséquences de cette tension entre les deux pays sur le plan économique, sécuritaire et régional?

ALI MUSAGARA : Les conséquences sont nombreuses de part et d’autre. Sur le plan économique, la croissance économique de la RDC que nous avions observée depuis le mois d’avril 2022, est sérieusement affectée. En termes simples, l’argent qui devrait servir à lutter contre la pauvreté, construire des routes, payer les enseignants, les médecins, les fonctionnaires, est malheureusement affecté à financer une guerre non justifiée. Le tourisme qui avait repris à travers l’ICCN, va diminuer en faisant perdre à la caisse de l’État des millions de dollars. Il y a des gens qui pensent qu’avec la fermeture de Rwandair et de la frontière terrestre avec le Rwanda, le Rwanda en patirait. Suspendre les vols Rwandair au moment où notre compagnie aérienne, Congo Airways est en difficulté, me paraît perplexe. Quant à la frontière de Goma et Gisenyi, c’est la population de Goma qui va plus en subir les conséquences que celle de Gisenyi. Le Rwanda fournit à la ville de Goma des denrées alimentaires de première nécessite comme les tomates, les oignons, les carottes, la semoule, les pommes de terre, etc. Goma est maintenant enclavée. La ville de Bukavu, à elle seule, et souvent renforcée par Goma, ne se suffira pas, sur le plan alimentaire, les routes allant vers les territoires de Masisi, Walikale devenues impraticables. Les routes Goma-Butembo, Goma-Bunagana bloquées. La question maintenant est de savoir si jusqu’à quand la population de Goma résistera? Au-delà de la crise sécuritaire, nous risquerons à l’avenir d’assister à la crise alimentaire. Sur le plan sécuritaire et régional, nous allons de mal en pie. Le résultat de notre échec diplomatique à décrocher l'unanimité contre le Rwanda, devrait nous interpeller et nous aider à rectifier le tir. Tous les pays de la région ont compris que les FARDC sont incapables de sécuriser la souveraineté de la RDC. Nous venons de brader la sécurité de notre pays aux pays de la région. Bien que solidarité oblige entre États, en allant, à nouveau solliciter cet appui sous régional, rien n'est moins sûr, de voir cette force connaître des accusations de notre part en cas d'échec, alors que la formule simple aurait, réformer notre armée, la rendre très efficace pour sécuriser nos frontières et anéantir les groupes armés

LA N.A : Que proposez-vous comme solution pour mettre fin à l'insécurité dans le Nord-Kivu, en particulier, et dans l'est en général?

Depuis la création des Nations Unies en 1945, les nations du monde se sont convenues de privilégier la résolution des différends par la voie de dialogue afin d’assurer la paix et la sécurité internationales. Nous n’allons pas inventer la roue. Le dialogue reste et restera le moyen pacifique, moins couteux pour régler un différend entre Congolais. Nous cherchons pacifiquement à amener nos frères à cesser de perdre les ressources de la République dans un conflit qui peut être résolu sans perdre des vies de nos compatriotes qui tombent dans cette guerre chaque jour.

LA N.A : Comment avez-vous accueilli la décision du gouvernement de la RDC de traquer tous ceux qui véhiculent les messages de la haine?

ALI MUSAGARA : Je l'ai accueilli avec réserve, le temps de voir si cette mesure sera en vigueur pendant combien de temps. Néanmoins, nous encourageons cet élan de  traquer ceux qui véhiculent les messages de la haine.

LA N.A : S'il vous arrivait à vous adresser directement au président de votre pays, Félix Tshisekedi, que lui diriez-vous ?

ALI MUSAGARA : Je lui dirai ceci : Excellence Monsieur le Président de la République, avec mes hommages les plus déferents, Cher grand frère, Vous êtes devant l’histoire. Le monde entier vous observe, et attend de vous le génie de la diplomatie qui vous a poussé à sauver le pays de la guerre civile en 2018 par votre élection à la magistrature suprême. En tant que démocrate, vous êtes une personne qui peut encore faire la différence en sauvant ce pays de cette crise. Vous pouvez entrer dans l'histoire en étant le Président Congolais qui a résolu le problème sécuritaire par la voie de dialogue. Vous aviez fait Ibiza, Venus, Saint Sylvestre avec Kabila au moment où tout le monde voyait en lui un diable, l’homme à l’origine des malheurs de Congolais. Au-delà de cette caricature, vous vous êtes surpassé au nom de l’intérêt général de la  République pour trouver un accord avec lui. Le M23 réitère le Muntu qui habite en vous afin de choisir le chemin de la raison, du dialogue. Continuer à financer la guerre, signerait l’acte de décès de plusieurs soldats qui tombent au front chaque jour. Cette situation belliqueuse peut être arrêtée si vous décidez d’ouvrir le dialogue, une recommandation faite par vos pairs africains et occidentaux.

 Excellence Monsieur le Président de la République, poursuis-je,

Le chemin de la guerre est trop glissant et périlleux pour la République. Toute la nation vous regarde car vous pouvez stopper cette guerre. Le  destin de notre pays est entre vos mains. Vous avez rendez-vous avec l'histoire, je conclurais par là. 

LA N.A : Quel message particulier avez-vous à l'endroit du peuple congolais pendant cette période trouble entre les M23 et les FARDC? Entre le Rwanda et la RDC?

ALI MUSAGARA : Pendant cette période difficile, je voulais dire «Pole» à toute la population de l’Est en particulier. Un message de paix et de réconfort face à cette guerre qu’on devrait éviter. Le M23 a déclaré un cessez-le-feu unilatéral depuis le début de cette guerre. Et nous attendons aussi que Kinshasa suive les recommandations faites par le Conseil de sécurité, le conclave des 4 chefs d’Etat de la région des Grands lacs et tous les autres partenaires. L’objectif est de chercher la paix et cesser avec les hostilités. Nous sommes condamnés à vivre ensemble avec nos voisins quelles que soit nos divergences. Je lance un vibrant message de paix à Uvira, à Minembwe, à l’Ituri et à Beni de stopper avec la guerre. Arrêtons avec les messages de haine, de violence. Nous sommes des Congolais, nous n’avons pas le choix que de vivre ensemble. 

Que Dieu bénisse la RDC.

Que vive la paix.

LA N.A : Je vous remercie.

Rédaction de la Nouvelle Afrique





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